L'occasion, Juan José Saer

Juan J. Saer, L'occasion

>>>

Bianco, un homme aux vies multiples.

"L'occasion" est une oeuvre complète de Juan José Saer. Le personnage principal, Bianco, vit plusieurs vies au fil de la narration.

Il est télépathe en Europe puis fuit après s'être fait humilié en public. Il fuit en Argentine, comme de nombreux européens faisaient à l'époque, pour oublier son ancienne vie et s'enrichir. Mais le passage le plus frappant est la fin du roman, où il a une relation complexe avec Gina - qu'il soupçonne de tromperie. On vacille entre la paranoïa accentuée et l'amour passionné.

Ce roman est en tous cas plein de vie, de lumière et nous transporte véritablement dans l'Argentine du XIXème siècle.

L'univers du mensonge étudié de manière récurrente.

Au fil du roman, Saer installe un climat hésitant entre le vrai et le faux. On en devient véritablement paranoïaque, voulant que Bianco guérisse pour se sentir mieux soi-même. C'est le cas lorsqu'il soupçonne Gina de le tromper avec Garay Lopez; tout au long de l'histoire, il étudie sa compagne, chacun de ses gestes, et se crée un univers parallèle. Par exemple, lors de la "scène de la lettre", où Garay Lopez assure ne pas être au courant pour la naissance du bébé, Bianco alimente son délire par chaque mot de Lopez.

> "Il ment" pense Bianco "Il est en train de mentir, et aux regards qu'il nous lance, il a peur qu'on ne le croit pas".

Certains chapitres sont sombres et l'ambiance est lourde, la misère de certains personnages étant importante. Mais les scènes les plus intéressantes sont celles où Bianco guérit peu à peu. C'est donc la dernière vie de Bianco qui mérite le plus d'intérêt. L'ambiance pesante de la paranoïa et du doute gêne profondément le lecteur, et la fin est une apogée où le lecteur est délivré, vivant une sorte de catharsis.

Le parcours de Bianco, un enchaînement de nouvelles.

Je ne vais pas vous raconter tout le parcours du héros, car cela enlèverait votre envie de lire le roman. Cependant, il est intéressant de voir que le trajet qu'il fait et les différentes épreuves auxquelles il est confronté constituent une suite de nouvelles. D'ailleurs, l'homme qu'il est à la dernière page n'a rien à voir avec celui qui vit à Paris.

L'occasion, une vision du monde par l'auteur argentin.

A travers diverses situations, comme l'humiliation par les européens, un père violent envers sa famille, ou la pauvreté, Juan José Saer nous offre sa vision du monde. Elle n'est pas teintée de pessimisme, mais pas non plus d'optimisme. C'est une vision particulière du monde, qui est le mieux représentée par le personnage de Bianco, le seul auquel le lecteur s'identifie vraiment. L'Argentine du XIXème siècle est décrite, non par des événements historique ou des descriptions matérielles, mais par des émotions, des lumières, des sensations fortes.